Je vous livre ci-dessous le magnifique poème qu'a dédié Robert Vigneau au souvenir de MFRE, dans son recueil "Une vendange d'innocents" :
MARIE-FRANCE, militante
Silhouette romanichelle
Aux yeux noirs soulignés de khôl,
Elle arrivait drapée d’indiennes
Flanquée de lourds sacs de docu
Accumulée en des colloques
Psychanalyse ou Droits de l’Homme
(Ses militances assidues)
Et me demandait un poème
Sur le ton qu’on demande à boire.
Ses militances pêle-mêle
Qui menaient ses trains de nomade,
À peine nous en parlait-elle
Par allusions où j’apprenais
Ses marches avec les Sans-papiers
Ou ses réseaux de camarades
En lutte dans l’hospitalier.
Elle avait le talent d’écoute
(Talent d’abord de discipline
Pour qui excellait dans les joutes) :
Elle entendait à demi-mot
Jusqu’aux paroles orphelines
Et lisait aussi les silences
Où nous coinçons comme au tombeau
Les pudeurs qui nous font souffrance.
Elle organisait des cumuls
En d’incessantes collections
De n’importe quoi d’inutile,
(Des fioles bleues en bataillons
Aux imprimés en monticules)
À l’assaut de ses domiciles
Comme pour posséder le temps
À la manière des gitans.
Étouffait-elle ses angoisses
Sous des étages de fourbis
Immémoriaux envahissants ?
Je devinais son appétit
De vivre, elle sous la menace
De fatals caillots dans le sang
Ressuscitables depuis qu’elle
Portait la phlébite en séquelles.
Marie-France, pardonne-moi
De parler de toi au passé
En étrangère et de profil :
Je peine aux mots d’un désarroi
Que tu n’entends plus désormais.
Je ne sais comment te laisser
Debout aux limbes de l’exil.
Les saisons muettes commencent
Sans toi, l’amie sœur qu’animait
Tant d’indulgente intransigeance
Pour ceux que les passions poursuivent.
Tes lettres, je les comprends mieux.
Elles dansent devant mes yeux.
Est-ce tout ce qu’une main laisse ?
Tu ramifiais pour tes missives
Des hasards de bouts de papier
En tous sens entassant P.S.
Renvois, notules, parenthèses
Pour des précisions évasives
Suivant ton esprit d’escalier
M’exaspérant en exégèses
Mais où je déchiffre aujourd'hui
La vie qu’à foison tu cueillis.
Robert Vigneau.
(Vous pouvez retrouver ce poème et bien d'autre sur le site du poète : http://robert-vigneau.fr/)
Merci !
RépondreSupprimerJe n’ose pas dire merci puisque c’est moi qui ai composé cette plainte que tu places en liminaire, cher Bati. Timidité ! Mais elle est si peu mienne, cette page : elle doit tout à la présence de MFRE. Je viens de la relire et comme toujours, arrivent les larmes.
Mais ces larmes, c’est aussi un chagrin de son absence. Déjà dix ans ! MF reste si actuelle dans ma vie ; Je me demande presque toujours comment elle réagirait aux évènements du jour. Tant la générosité de sa pensée inspire et vous rehausse !
Mais quand même merci de ton site ; plus que du souvenir, j’espère foison de témoignages de gens si divers qui ont apprécié l’engagement et le foisonnement de Marie-France.
Tenons-nous la main !
Tout cœur,
Robert Vigneau