Ce blog est dédié aux amis de MFRE (Marie-France Richard-Eliet), qui souhaitent partager leurs souvenir d'elle - Comment ça marche ? - Message d'accueil

mardi 2 juillet 2013

le tiroir aux marabouts


Tellement bourré, ce tiroir, qu'il s'est cassé la gueule.

Prévisible ! Il s'agit du petit tiroir en haut du secrétaire, celui où je fourre les cartes  qu'on ramasse au comptoir des hôtels, des restau, des boutiques. J'y vide mes poches. On ne sait jamais, ça peut être utile, ces cartes.  En fait, c'est plutôt nul. Un tel foutoir que je n'y retrouve jamais rien. Plus rapide de passer par internet.

Donc le tiroir, harassé de bristols, s'est cassé la gueule. Tous ces cartons jonchent l 'écritoire. Tiens, celui du Nambodaï, il y a un an que cette cantine thaï n'existe plus. Et pourquoi quatre , oui quatre, c'est du bégaiement, quatre bristol du Villaret, trop discret éden gastronome où je me rends les yeux fermés, la langue sèche et les dents gourmandes pour savourer le paradis de ma semaine ?  On m'y appelle par mon prénom ; ils ne me laisseront jamais en faim : qu'ai-je besoin de quatre cartes quand on a celle du cœur ? Envie de tout foutre à la poubelle, ces papiers inutiles !

Mais non : il faut trier, conserver, on ne jette pas les bouts de ficelle, les élastiques et les antiques bristols chéris du consommateur gavé, souvenirs de ripailles ou de fringues, d'un sourire parfois… Je ne me débarrasserai que des superflus, promis.

Je trie, donc.

Les trois quarts étaient à jeter.

Pourtant, j'ai hésité. En particulier pour les papiers, même pas du bristol, du pauvre papier cueillis aux bouches  du métro en des mains souvent africaines :


Ils vantent les mérites de marabouts parisiens, Monsieur ou Professeurs à majuscule grands-mediums-voyants-sérieux-discrets-efficaces-rapides… Tiens :
aucune femme dans le lot. Je les ramassais pour Marie-France. Elle les collectionnait.

Pourquoi ?

A l'époque, je ne me posais guère la question : une fantaisie accumulatrice dans le droit fil de ses gênes  maternels ? Et maintenant que je les retrouve au fond d'un tiroir, je n'ose plus jeter ces pubs désormais futiles.

Bien sûr, ça parait amusant de naïveté, la prose de ces prétendus professeurs qui tous proposent guérison, réussite, remède à tous problèmes. Cette candeur fait sourire. Avec un brin de condescendance, on s'enchante de leur force langagière. Poétique ? mais oui : poétique : le bonheur de la palabre !

Connaissant Marie-France et ses engagements, elle ne collectionnait certes pas ces paperasses pour s'en moquer. Elle marchait à côté des sans-papiers, parmi eux. Elle les écoutait. Elle retrouvait dans ces dérisoires réclames de marabout le vif de leurs craintes et de leurs espérances. Et nous autres, blasés, elle nous préparait ainsi, déjà, à entendre aujourd'hui le cri silencieux de leur détresse.



2 commentaires:

  1. Ah, merci Robert, d'évoquer cette collection de "cartes de visites" de marabouts, que Marie-France appelait ses "Fofanas" (du nom, je crois, du premier marabout dont elle a conservé la carte).

    C'est un vrai morceau d'elle que tu nous remets en lumière et je m'étonne même de ne pas avoir pris le temps de parler de ça avant, tellement ça parle bien d'elle.

    Merci encore.

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  2. J’aime beaucoup [cet] article sur les cartes de visites des “Fofana”.

    Je les ai longtemps collectionnées aussi ce qui me fait un point commun avec MFRE!
    (bon, moi, j’avoue c’était un peu pour rire : je rajoutais des trucs perso dans la liste genre “ton mari crie à table” ou “tes ados ne branlent rien”)

    Constance

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